ll n’est pas question ici d’expliquer comment se conduit une presse offset, mais plus modestement d’insister sur ce qui différencie un tirage offset normalisé d’un tirage artisanal.
Stabilité
La presse offset est une mécanique de précision qui a vocation à travailler avec des matériaux particulièrement sensibles aux conditions externes. Le papier, l’encre et l’eau de mouillage ne se comportent pas à l’identique selon les conditions atmosphériques. Le rendu de l’impression en sortie de machine sera modifié quand les encres seront sèches. Le talent de l’imprimeur consiste à anticiper les réactions des composants afin que, lorsque le produit imprimé sera présenté au client final, son rendu se rapproche le plus possible de l’épreuve contractuelle du bon à tirer.
Le conducteur offset, en environnement normalisé, dispose d’informations et d’outils de contrôle pour l’aider dans sa tâche. Mais avant tout, il se sera naturellement assuré de la fiabilité de la machine, c’est-à-dire de ses dispositions à imprimer de façon stable et prévisible.
L”ISO 12647-2 spécifie les tolérances suivantes en matière de repérage entre deux couleurs imprimées, mesurées au centre de l’impression :
– 0,08 mm pour les moyens formats sur papier de plus de 65g/m^2 ;
– 0,12 mm pour les autres conditions d’impression.
Bien entendu, le repérage doit être maintenu tout au long du tirage.
À tout instant, le conducteur offset doit être en mesure de comparer visuellement l’impression à l’épreuve certifiée dans de bonnes conditions, c’est-à-dire sous l’illuminant D50 (5000 K).
L’eau de mouillage doit être fixée et contrôlée régulièrement. La pression des blanchets doit être précisément réglée à l’aide d’une clef à couple selon les prescriptions du constructeur. L’environnement même de la presse doit être pris en compte. L’idéal étant d’éviter les variations trop rapides de température et d’hydrométrie.
Pour ces dernières contraintes, l’ISO 12647 est bien désarmée. Elle ne spécifie rien en matière d’eau de mouillage, de tension des blanchets ou d’hydrométrie. La mise en oeuvre d’un PSO consiste en la matière à adopter des procédures industrielles documentées. Ne pas s’en remettre au hasard, mais harmoniser les comportements des intervenants de façon à ce que l’impression soit et reste prévisible. À cette condition seulement, les critères objectifs spécifiés par la norme peuvent être efficients.
Calibrage
L’imprimeur dispose, pour chaque type de papier, des densités à respecter. Celles-ci ont été calculées précisément selon les caractéristiques du papier et de l’encre utilisés, afin d’obtenir les couleurs solides (des aplats) fixées par les valeurs LAB de l’ISO 12647-2, une fois l’encre séchée. Les densités mesurées sont en effet sujettes à de fortes variations selon que l’encre est encore humide ou sèche. C’est pourquoi l’expertise d’un tirage ne peut s’effectuer que plusieurs jours après l’impression.
Le PSO recommande que la mesure des densités soit effectuée par balayage sur toute la largeur de l’impression. Les appareils les plus perfectionnés, à la fois densitomètre et spectrophotomètre, effectuent deux mesures : de densité lors du premier balayage, de colorimétrie lors du retour de l’appareil à son point de départ.
Pour anticiper le séchage de l’encre, il est possible d’utiliser un densitomètre équipé d’un filtre polarisant. Attention toutefois à prendre soin de toujours régler à l’identique l’appareil pour ne pas fausser les mesures. Comparer des densités mesurées selon un filtre polarisant à des objectifs de densité édictés sans filtre n’a aucun sens. Les valeurs colorimétriques quant à elles doivent être mesurées sans filtre.
Les valeurs CIE LAB à obtenir pour les couleurs solides selon l’ISO 12647-2/A1:2007 sont les suivantes.
Les valeurs colorimétriques des quatre primaires sont à respecter selon une tolérance de 5 ∆E*ab pour la bonne feuille. Une variation supplémentaire de 4 ∆E*ab vis-à-vis des valeurs de la bonne feuille est admise pour le Noir, le Cyan et le Magenta et de 5 ∆E*ab pour le Jaune. Cette variation doit être respectée pour plus de 68 % du tirage.
Une fois les densités ajustées, l’engraissement constaté sur les échantillons tramé de 40 % (ou 50 %) et de 70 % doit se situer dans les tolérances de la norme. Si tel n’est pas le cas, c’est la linéarisation du CTP qu’il faut remettre en question.
Séquence d’impression
Sans le dire explicitement, la norme ISO 12647-2 part du principe que les encres soient imprimées selon une séquence Cyan, Magenta, Noir, Jaune (CMNJ) ou Noir, Cyan, Magenta, Jaune (NCMJ). Ces séquences sont expressément recommandées par le PSO. C’est en effet en respectant ces ordres d’impression que l’on peut espérer imprimer les couleurs de recouvrement (trapping) Rouge (MJ), Vert (CJ) et Bleu (CM) indiquées par la norme, sauf naturellement à recourir à la caractérisation de la presse.
Le comité technique TC130 de l’ISO, qui a établit la norme reconnaît que la couleur imprimée des recouvrements dépend non seulement de celle des couleurs primaires solides (Cyan, Majenta, Jaune et Noir), mais également de la séquence d’impression, de la viscosité et de la transparence des encres, des caractéristiques mécaniques de la presse ainsi que des spécificités du support d’impression. Autant dire que la norme laisse du travail au normalisateur pour espérer obtenir des couleurs de trapping se rapprochant des valeurs spécifiées. C’est sans doute pourquoi l’ISO ne donne pas de tolérances à respecter en ce qui concerne la colorimétrie des aplats Rouge, Vert et Bleu. De fait, ces valeurs ne figurent qu’à titre informatif dans la norme.
Comparaison visuelle.
Un tirage peut être certifié aux normes ISO 12647 si les primaires solides et les courbes d’engraissement sont dans les tolérances de la norme. Pour autant, qu’en est-il de la comparaison visuelle entre le tirage et l’épreuve certifiée ?
Cette dernière restitue, au plus près, le rendu moyen, pour ne pas dire théorique, d’une impression offset sur une catégorie de papier (couché le plus souvent). Les tolérances de la norme cumulées, en termes de colorimétrie des aplats et d’engraissement du point de trame, font que fatalement le rendu « naturel » des couleurs de la presse de production sur le papier sélectionné, sera quelque peu différent de celui de l’épreuve. À plus forte raison bien sûr lorsque l’on imprime sur du papier non couché, offset, bouffant ou recyclé.
Le conducteur expérimenté peut prendre sur lui d’ajuster la densité de chaque encre afin de s’approcher au jugé du rendu de l’épreuve. Ce faisant, il court le risque de dépasser les limites des tolérances normatives.
Caractérisation
La solution bien sûr consiste à pousser un peu plus loin la modernisation des méthodes d’impression et à caractériser sa presse.
Disposer du profil ICC de celle-ci lorsqu’elle imprime sur les différents types de papier pratiqués, permet de conformer en amont les données de prépresse envoyées au CTP. De cette façon, les plaques offset sont ajustées au plus près aux contraintes réelles de l’impression.
On fait ainsi en sorte que « naturellement », sur la presse, le respect des valeurs de densité, calculées pour imprimer aux normes sur un papier donné, engendre un rendu d’impression au plus proche de celui de l’épreuve certifiée. Le conducteur n’a plus alors qu’à ajuster à la marge les densités en fonction notamment des spécificités des images à imprimer (ou des goûts du donneur d’ordre venu signer le bon à rouler…). Notez que la caractérisation de la presse est la seule façon d’imprimer aux normes selon une séquence d’impression autre que NCMJ ou CMNJ.
Au cours de la conversion des valeurs CMJN standard vers celles spécifiques à la presse et au papier, le taux d’encrage maximal aura pu être lui aussi ajusté aux particularités de l’impression. Ce faisant et quel que soient le papier utilisé et les propriétés des documents à imprimer, le risque de maculage est écarté, le besoin de poudrage réduit voir supprimé, tandis que le temps de séchage est écourté.
La caractérisation des presses offset est donc autant un outil au service de la qualité qu’au service de la productivité.
Imprimer scientifiquement en exploitant le profil ICC spécifique au tryptique presse/encre/papier permet également de dépasser certaines limitations imposées par la normalisation. Tout particulièrement lorsque l’on souhaite, ou que l’on doit, imprimer sur un papier dont la colorimétrie n’est pas standard. Fatalement, la couleur du papier influe sur le rendu colorimétrique des hautes lumières. Le profil ICC tient naturellement compte de cet impact à l’inverse d’une simple linéarisation des courbes d’engraissement. Le point blanc lui-même ne sera naturellement pas impacté par la conversion, mais les nuances claires de l’impression le seront à bon escient et le tirage pourra être certifié conforme à la norme alors même que le papier est hors norme !