Transparences PDF, le maillon faible…

Le Ghent PDF Workgroup (GWG) a récemment publié un document technique (en anglais) intitulé “Transparency Best Practices” consacré à la gestion des transparences dans les documents PDF destinés à l’impression. Une décennie après l’apparition de technologies d’impression “PDF natives” (APPE, pour Adobe PDF Print Engine), l’incorporation d’éléments contenant des transparences dans les fichiers PDF peut, en effet, toujours provoquer des non-conformités imprimées. Explications et conseils du GWG à l’usage des créateurs de  PDF prêts à l’impression.

Le Ghent PDF Workgroup ou GWG est une association professionnelle internationale née en 2001 qui promeut la standardisation dans la fabrication de documents imprimés, édite des outils normatifs pour la préparation des fichiers de prépresse et s’efforce de dégager des consensus méthodologiques en amont de l’impression proprement dite.
Le GWG met ainsi à disposition gratuitement sur son site www.gwg.org des jobs tickets, ensemble de paramètres et autres profils de contrôle en amont pour aider à la création de documents conformes aux attentes (et aux impératifs) des imprimeurs professionnels. Les logiciels de contrôle en amont des documents PDF, tels ceux intégrés à Adobe Acrobat Pro, Callas pdfToolbox ou encore Enfocus PitStop Pro intègrent tous les profils de contrôles préconisés par le Ghent PDF Workgroup.

Les normes PDF/X et les transparences

Les spécifications et autres normes du GWG évoluent naturellement au rythme de la technologie, tout comme les normes internationales d’échange de fichiers graphiques ISO 15930 plus connues sous le nom PDF/X. Longtemps les spécifications pour l’échange de fichiers graphiques du GWG préconisaient, par exemple, le respect du PDF/X-1a, c’est-à-dire de s’assurer de la compatibilité des PDF livrés à l’imprimeur avec les interpréteurs PostScript. En conséquence, à l’époque, le GWG préconisait l’aplatissement des transparences (leur calcul) avant la transmission du PDF à l’imprimeur. En 2012, le GWG a publié ses premières spécifications de contrôle en amont basées sur le PDF/X-4 (la norme d’échange compatible avec la technologie native PDF APPE), en spécifiant toutefois l’obligation de livrer ses PDF en CMJN ou en tons directs (le RVB, même balisé par un profil ICC, restait proscrit). En 2015 le GWG a enfin autorisé de travailler en flux RVB et a publié ses préconisations pleinement compatibles PDF/X-4. Depuis 2012 donc, et l’adoption du PDF/X-4, le GWG admet que l’on peut envoyer des PDF à l’impression pouvant contenir des informations de transparence. Le GWG a ainsi pris acte du fait que les imprimeurs professionnels étaient soit équipés de systèmes APPE ou équivalents, soit savaient correctement calculer les fameuses transparences avant d’envoyer les fichiers au traitement sur des équipements plus anciens.

À l’usage cependant, il semble que nombre de non-conformités constatées à l’impression proviennent encore d’un calcul de transparence erroné, voire impossible à effectuer. D’où l’utilité de ce document technique pour les créateurs de PDF…

Transparences et PostScript

Les premières normes d’échange de documents graphiques PDF/X-1a et PDF/X-3 exigeaient l’aplatissement préalable des transparences, car, à l’époque, tous les RIP et systèmes d’impression des imprimeurs étaient basés sur le langage PostScript et que celui-ci ne disposait d’aucune commande pour transcrire les informations de transparence des logiciels natifs (principalement ceux de la suite Adobe). Les logiciels étaient capables d’exporter correctement des informations de transparence dans un fichier PDF, mais aucun matériel ne traitait alors nativement le PDF pour l’imprimer. Or, aucun standard de fait pour l’aplatissement des transparences présentes dans un fichier PDF n’existait. Livrer à deux imprimeurs différents un même PDF pour impression présentait donc le risque pour le donneur d’ordre d’obtenir deux résultats différents. D’où la consigne à l’époque de circonscrire la responsabilité du traitement des transparences (de leur aplatissement donc) au créateur du document lui-même.

Complexité des calculs des transparences

En 2008, le bouquet technologique APPE a changé la donne. L’interprétation des PDF par les matériels compatibles est désormais standard. Pour autant, les mauvaises interprétations des informations de transparence ne sont pas encore reléguées au rang des mauvais souvenirs. L’explication réside dans la complexité de ses informations et de leurs possibles interactions entre elles.
Dans le document du GWG, les auteurs insistent sur le fait que plusieurs fonctions PDF se rapportent à ce que l’on appelle transparences, par exemple les contours progressifs (feathering) appliqués à des objets, l’opacité qui se décline en pourcentage (le pourcentage d’opacité étant l’inverse du pourcentage de transparence) et les fonctions de fondu, couramment appelé dans la suite Adobe “Effets de transparence”, qui disposent de différents modes de calcul (produit, superposition, incrustation, etc.). Ces différentes fonctions, se rapportant tout aux transparences, peuvent naturellement, au gré de l’inspiration du graphiste, se combiner entre elles. Par exemple un texte avec une ombre portée et un logo, se superposant à une image importée de Photoshop qui fait appel à des effets de fondu, elle-même recouvrant une autre image d’une opacité de 30%, le tout sur un fond dégradé. Ne riez pas, la plupart des opérateur.trice.s prépresses ont, un jour ou l’autre, rencontré un fichier de ce genre. Ajoutez à cela le fait que, dans les logiciels graphiques, les différentes fonctions de transparence s’appliquent soit directement aux objets soit aux calques auxquels ils appartiennent (sans que l’une des options n’exclue l’autre) et vous comprendrez l’angoisse du meilleur RIP APPE au moment du calcul des transparences !

 

La complexité du calcul des transparences ne s’arrête pour autant pas en si bon chemin. Qui dit aplatissement des transparences dit le plus souvent calcul de la couleur, d’où l’importance de spécifier dans le logiciel graphique l’espace colorimétrique de fusion des transparences (RVB ou CMJN) adéquat.

 

Mauvaise gestion des espaces de fusion des transparences

L’effet indésirable (en bas) d’une mauvaise gestion des espaces colorimétriques de fusion des transparences

Quand il s’agit de calculer la couleur résultant d’un effet de transparence d’un pixel sur un autre, force est pour le logiciel de fournir le résultat (et d’effectuer ses calculs) dans un espace RVB ou dans un espace CMJN (mais pas les deux). En soi la chose n’est déjà pas simple, surtout quand la colorimétrie des objets PDF n’est pas homogène (objets RVB se superposant à des objets CMJN ou l’inverse). Mais elle peut (facilement) s’avérer encore plus complexe. Imaginons par exemple un logo contenant des tons directs et des transparences dont l’espace de fusion des transparences est le RVB. Ce logo serait importé dans une mise en page dont l’espace de couleur de fusion des transparences est, ce coup-ci, un espace CMJN, et superposé avec lui-même un effet de transparence sur d’autres objets dont certain contenant des dégradés de couleurs ! Le document PDF résultant sera non seulement hétérogène du point de vue des modes de couleurs (RVB et CMJN), mais aussi du point de vue des espaces de fusion des transparences. Et là, la non-conformité imprimée n’est jamais loin, car les calculs peuvent s’avérer excessivement complexes !

 

Modification des espaces de fusion des transparences dans la suite Adobe

 

Conseils pour un graphisme intelligent

Au vu des difficultés d’interprétation possiblement engagées par les informations de transparence, on peut effectivement considérer celles-ci comme le maillon faible de la technologie Adobe PDF Print Engine, voir celui du PDF lui-même s’il est destiné à l’impression. Ceci étant dit, il serait parfaitement vain de demander aux créateurs de se priver de ces puissantes fonctions graphiques, et telle n’est certes pas l’objet du document du GWG. Le propos est plutôt d’inciter les acteurs de la création graphique à prendre conscience des risques et de les amener à adopter des pratiques d’utilisation intelligente des transparences, à commencer par faire simple quand on n’est pas obligé de faire compliqué…
Les lecteurs anglophones se reporteront avec profit au texte original. Pour les autres, les conseils en matière d’utilisation intelligente des transparences peuvent se résumer ainsi :

  • Simplifiez. Un objet dont la couleur est définie en magenta 30 % sera toujours plus simple à interpréter pour strictement le même résultat qu’un objet magenta 100 % dont l’opacité est réglée à 30 %.
  • Evitez les recouvrements partiels d’objet par des objets vectoriels en transparence. Le calcul des transparences entraîne souvent la rastérisation (la transformation en image) des objets vectoriels comme du texte. Il peut en résulter une différence d’engraissement visible entre la partie de l’objet qui recouvre l’autre objet et celle qui ne le fait pas.
  • Harmonisez les espaces de fusion des transparences dans un document. Méfiez-vous tout particulièrement lors de l’import de document depuis illustrator, Photoshop ou directement de PDF dans InDesign.
  • Attention à l’ordre de superposition. Placez sauf exception les objets texte et les objets en tons directs au premier plan.

Le respect de ces quelques consignes de bon sens évitera bien des déboires. L’impression d’épreuves pour les pages utilisant des transparences complexes est le dernier conseil à ne pas négliger. Si le système d’épreuve APPE a été en mesure d’interpréter correctement les transparences, le risque d’une erreur en frontal du CTP (computer to plates), lui-même APPE, sera fortement minimisé à défaut d’être entièrement nul.

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